Annoncé il y a presque un an, StarFox Zero débarque déjà (enfin ?) au secours d’une Wii U des plus moribondes, en manque de souffle alors que la quatrième bougie n’est qu’à quelques pas. Une Wii U qui finit sur une touche surprenante pour certains (Splatoon, Super Mario Maker, Captain Toad Treasure Tracker), alors que d’autres regards moins complaisants voient la moindre annonce d’une nouveauté made in Nintendo comme une prolongation de peine assez cruelle. C’est dans ce contexte à couteaux tirés que Nintendo décide finalement de jouer la carte StarFox. Comme F-Zero ou Metroid, la promesse d’un jeu plus « mature » mais toujours droit dans ses bottes.
C’est sans compter l’E3 2015 et ce Nintendo Direct moribond qui marquait l’absence physique de son présentateur phare. Une présentation entièrement tournée vers cet épisode zéro, revisite étonnante du space opéra animalier de Nintendo dont on ne savait pas trop quoi penser sur le moment. Quelques minutes de jeu plus tard, le couperet tombe, les qualificatifs pleuvent : laid, inutile, poussiéreux, anachronique. Puis Satoru trépasse et Nintendo repousse. Le temps nécessaire qu’il fallait pour repartir du bon pied ?
Le Muppet Show
Un zéro qui évoque naturellement l’Origin Story, un kanji dont le double sens évoque la pluie qui tombe doucement. Quelques maigres indices qui pourraient nous mettre sur la piste d’une renaissance aux accents nostalgiques, et pourtant, StarFox Zero n’a rien d’une préquelle. On s’approche plus d’une libre réinterprétation des épisodes fondateurs, à savoir Starwing (Super Nintendo, 1993) et Lylat Wars (Nintendo 64, 1997), à mi-chemin entre l’esthétique « rétro-peluche » du premier épisode (voir image juste en dessous) et le cahier des charges du second épisode. Fermez les yeux, imaginez vous dans un cockpit à virevolter le Gamepad dans tous les sens et vous aurez déjà un très net aperçu de ce qui vous attend.
Gymnastique des yeux
Comme Kid Icarus Uprising (sorti en 2012 sur Nintendo 3DS), StarFox Zero fête son grand retour avec un gameplay fantaisiste. Des yeux naturellement rivés sur l’écran de la télé pour analyser son environnement et suivre la trajectoire de son vaisseau, le jeu demande de basculer sur la vision cockpit affichée sur le Gamepad pour faire feu sur l’ennemi, sans quoi vos slaves de rayons laser passeront à côté de vos cibles. Pour ne rien arranger, viser correctement requiert de bouger le Gamepad dans la bonne direction. Une action continue, deux points de vue obligatoires pour la suivre et seulement une paire d’yeux pour gérer le tout, voilà tout le défi de ce nouvel épisode des aventures de Fox.
Heureusement, une option permet de limiter l’utilisation du gyroscope aux seules phases de tirs. Noter que le bouton Y, qui replace le viseur dans la direction de votre Gamepad, devient alors votre plus fidèle allié. Peu importe votre affinité avec le motion gaming et la saga StarFox, cette double prise en main pose d’entrée de jeu des problèmes de compréhension et de lisibilité. Elle force le joueur à une gymnastique peu naturelle et casse le rythme d’un jeu réputé pour son rythme frénétique. Les premières sensations sont désagréables. On se sent lent, inutile dans un jeu-couloir qui déroule son tapis rouge de petits tracas à résoudre, à la bourre sur tout et pour toute la galaxie, et finalement, raccroché à peu de chose.
De cet aveu d’échec complètement assumé, le jeu propose des alternatives : l’utilisation du Gyrowing (la version hélicoptère de notre vaisseau) pour des missions d’infiltrations, le tank qui devient un planeur, ou l’utilisation d’un petit robot à la voix extrêmement CHOUPIGNONNE pour activer des interrupteurs inaccessibles en temps normal. StarFox s’astreint à un rythme hachuré pour justifier ses quelques nouveautés. C’est ici qu’une partie des fans intransigeants sur les fondamentaux nous ont déjà quitté.
Cerise sur le vaisseau, la transformation de notre appareil, selon les missions, en véritable poulet de l’espace. Pour une question de style de tout évidence, mais aussi pour permettre au vaisseau de se faufiler dans des couloirs à la recherche d’interrupteurs à activer/désactiver ou de batteries de gigantesques vaisseaux à détruire de l’intérieur. On troque l’action grasse et répétitive et les affrontements de boss frontaux contre une mise en scène plus sophistiquée et une série de petits objectifs éparpillés qui requiert moins de sauvagerie mais tout autant de volontariat. Un choix qui ne plaira pas forcément à tout le monde mais qui évite de se faire prendre la main dans le sac pour oser proposer le même concept qu’en 1997. Alors qu’une foule de remakes/remastered continuent de se déverser sur nous… Sérieusement, un poulet de l’espace !
Slow definition
StarFox Zéro ne déçoit personne sur un point qui pourtant ne manque pas d’agacer tout le monde à savoir l’enrobage HD, de ses graphismes rudimentaires à ses aplats de textures d’une pauvreté sans nom, en passant par ses armadas d’ennemis exagérément polygonales (mais chers à la série). Est-ce pour autant une catastrophe ? Si on décide de coller son nez sur chaque mur, que l’on ne jure que par des parterres d’herbes et de fleurs du futur extrêmement détaillés, alors oui, StarFox Zéro est un ratage complet. Faut-il pour autant reprocher à ce jeu son aspect épuré et volontairement minimaliste ? En aucun cas, à moins d’avoir la mémoire très courte. Comme ses prédécesseurs, StarFox Zéro déploie une galerie d’ennemis insectoïdes futuristes aux pustules clignotants qui indiquent leur point faible. Le tout servi dans des décors réduits au strict minimum. Parce que le propos de la série n’est pas dans l’esbrouffe graphique mais dans la cohérence globale de son propos. Jusque dans ses thèmes et bruitages entraînants, StarFox reproduit à la lettre l’ambiance délicieusement passéiste des épisodes originaux. Rien à redire sur ce point si on est un habitué de la formule Nintendo. Même si on est loin de ce que doit proposer une console HD en 2016. La faute à cette double maniabilité décrite plus haut qui force les développeurs à quelques concessions pour conserver une action fluide sur deux écrans différents.
Leçon n° 1993
StarFox Zéro demande une toute petite poignée d’heures pour arriver à sa conclusion — peu de passages alternatifs comparés à Lylat Wars si ce n’est une planète loupée tout au plus à revisiter lors d’un second run. Encore une fois, le space opéra de Nintendo ne se force pas à changer sa feuille de route initiale en ajoutant des planètes. Rappelons que StarFox Zéro est un jeu au gameplay expérimental, et pour cela, il agit en temps que tel et n’oblige plus son joueur à jouer l’aventure d’une traite. On retrouve des checkpoints à chaque planète mais aussi des points de passage au coeur des missions. Un soulagement pour ceux qui fatiguerait plus vite que d’autres face à la gymnastique visuelle requise et le trop plein d’informations à gérer.
StarFox Zéro reste ce couloir spatial dirigiste d’une poignée d’heures avec ses retournements de situations cousus de fil blanc et ses zones de défis très contrôlées. A la différence près que le jeu entier se parcourt comme un immense tutoriel qui demande régulièrement de découvrir de nouvelles façons de gérer les outils à sa disposition.
Et donc ?
Difficile de coller une note sèche à StarFox Zero tant le message qu’il envoie reste des plus contradictoires : une prise en main audacieuse mais épuisante; une rupture avec le rythme des épisodes SNES et N64 qui ne cessent pas une seule seconde d’être érigés en référence; une relecture qui ne se défait jamais de son héritage. Le feeling n’est pas mauvais, le jeu n’est pas mauvais, mais StarFox Zero souffre du poids de sa propre ambition anachronique. C’est une chose de proposer un jeu « à l’ancienne » avec tout ce que cela implique en termes de construction de jeu et d’exigence, c’en est une autre de ne plus être capable de distinguer ce qui fonctionne encore de ce qui est devenu extrêmement gênant. Seul sur sa machine maudite, Nintendo continue d’avoir à cœur de nous montrer que le Gamepad n’est pas une mauvaise idée, même s’il s’agit d’une idée rejetée de tous (et depuis longtemps) pour l’ambition créatrice qu’elle impose aux développeurs et le temps d’implication réquisitionnée pour que le joueur commence à prendre du plaisir. Nous voilà donc les fesses entre un gameplay gyroscopique à ce jour unique et une gymnastique oculaire haletante. Le problème est alors bien plus grave : Nintendo ne distingue plus en 2016 ce que le joueur moderne réclame. Coincé dans son idée du jeu vidéo, la firme de Kyoto propose finalement un gameplay tellement novateur que celui-ci demande un temps de maîtrise plus étendu que sa propre durée de vie. Un jeu élitiste, une perle qui vise le contentement des fous du score et les pointilleux du collectible. Un jeu qui exclut sans ménagement ceux qui n’adhèrent pas à cette vision du jeu vidéo. StarFox Zero reste une jolie curiosité qui mérite que l’on s’y penche quelques instants dessus. Au moins pour constater, dans ce qu’il loupe, ce que le jeu de Shigeru Miyamoto et Platinium Games dit sur notre appréciation du jeu vidéo moderne et la patience dont certains sont capables de faire preuve pour survoler le game.
Note : 6/10 (test réalisé par Gelolu)
– Deux points en moins pour ceux qui ne jurent que par des mondes ouverts, accessibles et entêtants.
– Deux points en plus pour ceux qui ne jurent que par le défi, le plaisir contrôlé, qui ne sont pas dérangés par les lignes droites exigeantes et exiguës.
J’ai jamais vraiment été attiré par les jeux StarFox ni par son univers. Pourtant, quand j’ai vu des images du jeu à la Japan Expo 2015, ça m’a donné envie de m’y intéresser et pourquoi pas y jouer. Le jeu avait l’air fun et l’association de l’écran avec le Gamepad était plutôt une bonne idée. J’ai bien fait d’attendre de voir les critiques, et c’est bien dommage que le jeu se finisse en un après-midi…
Résultat très attendu au tournant du fait de l’attente.
Pourtant, je suis sûr qu’à son prix actuel, soit environ 30 euros neuf, Star Fox Wii U pourrait être tout à fait agréable à condition de le considérer comme un Shmup. Et d’apprécier les qualités et défauts du genre? (Court, beaucoup de défis, beaucoup d’aptitudes exigées en fonction de la difficulté …)